Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Histoires de Bretagne

Un blog d'Erwan Chartier-Le Floch

Des villas romaines « les pieds dans l’eau »

Publié le 15 Avril 2009 in Archéologie


 

Les côtes d’Armorique conservent les vestiges de plusieurs dizaines de villas gallo-romaines, construites pour la plupart au Ier siècle après J.C. et dont beaucoup furent abandonnées à la fin du IIIe siècle. C’est notamment le cas des sites du Hogolo, en Plestin-les-Grèves (22) ou de Mané-Vegen, en Morbihan (56).

 

Depuis la fin du XIXe siècle, la Bretagne est devenue une grande région touristique européenne. Si elle a échappé, partiellement, au bétonnage de ses côtes, son littoral est désormais soumis à une forte urbanisation, dont une bonne part est due aux résidences secondaires. La construction de villégiatures n’est cependant pas un phénomène récent sur ces côtes : dès l’époque romaine, de riches propriétaires ont fait construire des villas en bord de mer.

 

Les thermes du Hogolo

Si les Gaulois avaient déjà un sens de l’hygiène – ils connaissaient ainsi le savon -, l’arrivée des Romains va voir l’apparition de nouveaux équipements et pratiques avec la construction de thermes. C’est dans ces bâtiments plus ou moins vastes, que les Gallo-Romains prenaient désormais le bain, suivant un programme bien établi : On se dévêtait puis on se massait avec des huiles dans les vestiaires. Ensuite, on traversait la salle froide (frigidarium) vers la salle tiède (tepidarium) où on se débarrassait de la crasse et des huiles en se frottant avec un strigile (une lame de fer ou de bronze). On passait par la suite dans la partie la plus chaude, le caldarium, avec des bassins d’eau très chaude et de la vapeur d’eau. la sudation permettait d’éliminer toutes les impuretés. On revenait ensuite vers le tepidarium puis le frigidarium où on pouvait profiter de la fraîcheur vivifiante d’un bain froid.

Dans les grandes villes, il existait des thermes publics. Dans la campagne, les grandes villas en étaient pourvues. C’est aussi le cas des villas maritimes d’Armorique. Les thermes étaient éloignés des habitations, même si leur fréquentation faisait partie de la vie quotidienne. Un très bel exemple nous en est donné par le site du Hogolo en Plestin-les-Grèves, où des thermes - sans doute lié à une villa située à quelques dizaines de mètres – ont été fouillés dans les années 1980 puis mis en valeur en 1992. Il a été construit au début du Ier siècle avant J.C., avant d’être remaniés dans les décennies qui ont suivi jusqu’au IIe siècle avant J.C. Il a été ensuite transformé en habitation avant d’être démoli à la fin du IIIe siècle ou au début du IVe siècle.

L’édifice est situé sur une colline dominant la baie de Locquirec. Long d’une quarantaine de mètres, il est édifié suivant un axe nord-sud. Depuis la mise en valeur des vestiges , on distingue bien la chaufferie (prafunium) qui fonctionnait avec un système en hypocauste. Lors de la construction, les pièces ont été construites avec un vide sous le sol et au niveau des cloisons. Un four était situé en contrebas, lorsqu’on y allumait du feu, la chaleur et la fumée se communiquaient aux sols puis aux doubles cloisons avant de s’échapper par les toits.

 






Luxueuse villa en Ria d’Étel

À Mané-Vegen, en Plouhinec dans le Morbihan, c’est une villa à part entière que les archéologues ont mise au jour et qui devrait aussi faire l’objet d’une mise en valeur dans les années qui viennent. Elle a été construite à la fin du IIe siècle ou au début du suivant par des propriétaires ayant un statut très puissant. Pour Éric Philippe qui participe à la fouille : « Il ne s’agit pas d’une résidence principale, ni même d’une villa de rapport, au centre d’un vaste domaine agricole comme celle du Quiou dans les Côtes d’Armor, mais d’un lieu entièrement voué à la plaisance, comme il en existait sur la côte italienne à l’époque. »

Les décors retrouvés lors de la fouille - des enduits muraux et aussi un haut relief représentant Dionysos venant chercher Arianne –, l’architecture de l’ensemble ont convaincu que les archéologues que le propriétaire était parfaitement intégré au monde romain et qu’il était de culture gréco-latine. « Il s’agit de quelqu’un de puissant, dont on ignore la fonction ou le lieu de résidence principale. À Mané-Vegen, il ne venait qu’à certaines périodes de l’année. Il pouvait recevoir ici ses relations politiques, économiques ou religieuses. Tout était donc fait pour montrer son opulence. Il y a une forte volonté ostentatoire dans la configuration des bâtiments. »

 

Une bibliothèque et des squateurs

Autre indice sur la puissance des propriétaires de Mané-Vegen, la découverte d’une petite salle à l’extrémité d’une des ailes de la villa. « Un soin particulier a été apporté aux maçonneries, note Éric Philippe. Elles ont été revêtues d’un enduit en tuileau pour renforcer l’étanchéité. il s’agit donc d’un lieu clos où on a voulu protéger quelque chose de précieux. » On y trouvait probablement des livres de compte, ainsi que quelques « classiques » gréco-romains dont il pouvait être de bon ton, pour le propriétaire du lieu, de montrer qu’il les possédait. Cette pièce est en tout cas la plus vieille bibliothèque découverte à ce jour en Bretagne.

Les archéologues ont constaté que vers 240, des travaux sont réalisés à l’économie. La situation est en effet difficile dans tout l’empire romain. Vers 280, la villa de Mané-Vegen est abandonnée. Dix ou vingt ans plus tard, les lieux sont « squattés » par de nouveaux arrivants. Ceux-ci s’installent dans les bâtiments qu’ils réaménagent, notamment pour les troupeaux qu’ils possèdent. Il y a aussi des militaires avec eux. Ces nouveaux arrivants n’entretiennent pas les lieux qui se dégradent rapidement. Vers 320, ceux-ci sont définitivement abandonnés.

Les sites du Hogolo et de Mané-Vegen montrent donc que, du début de la conquête romaine jusqu’aux crises de la fin du IIIe siècle après J.C., les côtes bretonnes ont vu se développer, pour la première fois dans l’histoire, une forme d’habitat de villégiature. Réservées à une élite, ces villas maritimes sont bien équipées et luxueusement décorées.

 

Pour en savoir plus

- Mémoire d’âmes, vingt ans de recherches archéologiques en Côtes d’Armor », catalogue d’exposition du château de la Roche-Jagu, 2000.

- « Une villa romaine les pieds dans l’eau, ArMen n°142

- La Bretagne romaine, Louis Pape, Éditions Ouest-France université, Rennes, 1995

- L’Armorique romaine, Patrick Galliou, Braspars, 1983.

Commenter cet article
D
Blogs are so informative where we get lots of information on any topic. Nice job keep it up!!
Répondre
B
quels magnifiques paysages!!
Répondre