Pour la seconde année consécutive, les archéologues ont étudié le site médiéval de Brécilien, en contrebas de la citadelle gauloise de Saint-Symphorien, à Paule, en centre Bretagne. Ils ont mis au jour une vaste résidence aristocratique datant du ixe siècle.
En plus de deux décennies de fouilles, le site de Paule aura réservé bien des surprises aux archéologues : des statuettes de l’âge du Fer, dont celle “à la lyre” ; une importante ferme gauloise qui se transforme en une forteresse, puis en une véritable agglomération fortifiée, un lieu de culte gallo-romain… “Nous étions intrigués par la source qui se situe en bas du site, indique Yves Menez. Elle a servi à alimenter l’aqueduc de Carhaix et, jusqu’au début du xixe siècle,
une chapelle y existait. Le cadastre napoléonien indiquait également la présence d’une enceinte circulaire à proximité, un indice de site du haut Moyen Âge. Nous voulions savoir si ces sources avaient fait l’objet d’une forme de culte dans l’Antiquité.” En 2008, le site de l’ancienne chapelle a donc été étudié. Le plus ancien édifice découvert s’est révélé être une petite chapelle de l’époque carolingienne, au ixe siècle de notre ère.
Si son plan est assez classique des bâtiments religieux construits dans l’ouest de la Gaule de l’époque, un objet métallique et, surtout, la cloche à main de saint Symphorien, longtemps conservée dans cette chapelle, révèlent des influences irlandaises et brittoniques. Autant d’indices sur les différents échanges de la Bretagne d’alors, influencée par les îles Britanniques et par l’empire carolingien.
Cette année, les archéologues ont étudié une partie de l’enceinte circulaire située à proximité. Elle était défendue par deux fossés successifs, d’une profondeur de deux mètres cinquante et, probablement, par une série de remparts en terre et de palissades. L’intérieur du site révèle une forte densité de vestiges, avec des traces de cabanes en bois, d’importants silos dont l’un, de six mètres cubes, a révélé des traces de céréales carbonisées. Leur analyse permettra de mieux connaître les habitudes alimentaires des occupants. En revanche, les fouilleurs n’ont guère retrouvé de céramiques, à l’exception d’un petit morceau de verre décoré, qui rappelle un objet contemporain découvert à Saint-Denis, en Ile-de-France. “L’absence de céramique, estime Joseph Le Gall, responsable de la fouille, est plutôt révélatrice des cultures britanniques du haut Moyen Âge, où la vaisselle était en bois ou en métal.” Dans la chapelle et sur le site, les archéologues ont également mis au jour quelques monnaies carolingiennes, datant de Charles Le Chauve et frappées à Melle, en Charentes.
La fouille de l’enceinte a surtout révélé les fondations en pierre d’un important bâtiment, de deux cents mètres carrés au sol, l’un des plus importants découverts en Bretagne à ce jour pour le ixe siècle. Dans les années 1980 et 1990, Philippe Guiguon avait en partie fouillé une autre importante résidence carolingienne à Locronan. “Etudier un tel site est très rare, note Joseph Le Gall. Nous n’avons donc que peu d’éléments de comparaison, mais il paraît évident qu’il a été construit par un personnage important et puissant.” Les indices archéologiques restent bien faibles pour nous renseigner sur lui. Brécilien a en effet été construit dans une région, le Poher, à l’histoire troublée à cette époque : l’empereur Louis Le Pieux y a défait le chef breton Morvan Lez Breizh, avant de se rendre à Carhaix et à Landevennec pour s’assurer de la soumission des Bretons. C’est également de Cornouaille que serait originaire Nominoë, le chef breton qui a défait à l’empereur Charles Le Chauve. Qui était le seigneur de Brecilien ? Un noble breton, peut être l’un de ses mystérieux machtiern qu’évoquent les cartulaires de l’époque, où un fidèle du pouvoir franc, placé là pour tenter de reprendre cette Bretagne frondeuse qui échappait régulièrement à l’autorité carolingienne.